Sereine Berlottier

Ciels, visage

vendredi 15 novembre 2019, par Sereine



Extraits

formellement
naît par la tête

dans la vision
couché au fond d’une barque
entre les joncs, les lianes

tel que paisible :
mobile, diffracté

(écoute)

– clapotis fendus aux rochers – déchirés
soudain net par

cœur

***


sur le chemin discrète
inclinaison de la preuve

(ne pas lire pieuvre car tout peut couler à l’envers)

étroitement
mais pâle encore

et en silence

pari noué
dés avalés

***


émergence mobile
sinueuse
falaise peau dans le ciel

face et dos confondus
pour le noyau d’abstraction et précise douleur

tambour sauvage, oracle imprécis
forme infra-mince du souffle

séparation étant l’origine de toute chose
cette paillette de cœur affolé
mousseuse

(...)



et que circulent encore les voix, souples
cet animal intérieur, son chemin
feuilles et vent, lenteur
un couple de pigeons ramiers dans les branches
peur de la nuit, peur de la non-nuit
le oui est indivisible
dans le lieu vivant de l’écoute
si la question est un fruit, finira par tomber sur le sol ?
qu’en ferait-on de plus ?
je te donne la vie
pense à cette phrase, à son écorce
(et pas la mienne)
(pas la tienne non plus)
un rideau qu’agite le vent d’orage au bord d’une fenêtre ouverte
une ombre – rien
un passage d’ombre plutôt
je porte mes mains au bord de cette question
passer par le chas d’une aiguille
nommer l’empreinte, précédée par son impatience
sans oublier la peur sous le dé


A l’écoute, deux extraits, lus par l’autrice, sur une composition musicale de Jean-Yves Bernhard.

Extrait 1 :

Texte et voix : Sereine Berlottier.
Composition, saxophone et mixage : Jean-Yves Bernhard.
Ciels, visage, Lanskine, 2019.

Extrait 2 :

Texte et voix : Sereine Berlottier.
Composition, basse électrique, piano et mixage : Jean-Yves Bernhard.
Ciels, visage, Lanskine, 2019.


Présentation sur le site de l’éditeur. :

Toute rencontre commence par le langage, toute naissance réclame un corps. Au seuil de la naissance de l’enfant, l’attente s’inaugure par une adresse. Le livre dessine, en quatre mouvements, l’aventure de cette rencontre, aventure de pensée, autant que de corps, du lieu au lien.

Récit fragmentaire, troué, le poème dit l’attente et la bienvenue, l’écoute, la mobilité des cellules, et ce que l’invention d’une adresse modifie du langage, du monde. Énigmes, chuchotements, silences, ce sont mots à dire et à taire. Le nid, cousu de l’air qui traverse, car tout ne sera pas dit.

Le visage s’invente au fil du livre, comme l’image floue d’abord, plongée dans le liquide qui en révélera les contours, monte du fond de l’eau et échappe peu à peu à l’opacité qui l’entoure.

Ce qu’une telle rencontre réclame de séparation, pour advenir, peut-être les ellipses au cœur du poème en portent-elles la trace ?

La venue de l’autre n’élude d’ailleurs pas la possibilité d’une disparition (« articuler : durée et disparition » lit-on dans l’un des derniers poèmes du livre). Les derniers textes du livre évoquent d’autres rivages (d’autres sommeils) et la hantise d’enfants péris dans les flots. Si la joie paraît l’emporter, c’est donc par éclats, dans une sorte de suspension dont la menace n’est jamais absente.

Dessin de couverture : Delphine Bretesché.


Échos et notes de lecture

Pierre Vinclair sur Poezibao, note de lecture du 8 juin 2020.

Carole Darricarrère sur Sitaudis, note de lecture du 25 novembre 2019.

Le service de presse de François Bon, en vidéo.

L’anthologie Terre des femmes d’Angèle Paoli.